Rupture brutale des relations commerciales établies

Mon partenaire commercial a-t-il le droit de rompre soudainement nos relations qui duraient depuis des années ?

En vertu de l’article L. 442-1 II du Code de commerce, « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels. »

Par application de ce texte, est sanctionnée toute rupture brusque, unilatérale et sans préavis écrit, de relations commerciales lorsque l’une des parties agit de mauvaise foi ou sans raison légitime, c’est-à-dire en dehors de tout manquement suffisant grave de la victime de la rupture, alors qu’elle a laissé se créer chez son partenaire une confiance dans la conclusion, le maintien ou le renouvellement des relations commerciales.

Le caractère établi de la relation résulte d’éléments précis qui traduisent une relation stable, significative et permettant raisonnablement d’anticiper pour l’avenir une certaine continuité du volume d’affaires entre les partenaires commerciaux. Cette condition vise à exclure les relations commerciales ponctuelles ou temporaires.

En dehors des dispositions spécifiques à la rupture de relations commerciales « établies » au sens de l’article L.442-1 précité, les règles générales du droit des contrats s’appliquent, et en particulier l’article 1211 du code civil, lequel prévoit que « lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable. » Cette règle s’applique aux contrats à durée indéterminée, ce qui inclut de nombreuses relations commerciales qui ne répondent pas à la définition d’une « relation commerciale établie » telle que définie dans l’article L. 442-1 du Code de commerce.

Quel préavis appliquer pour rompre des relations commerciales établies depuis des années ?

La durée de préavis dépend de la durée effective des relations commerciales. La notion de relation commerciale établie est une notion non définie, qui, comme le note la doctrine, est une notion économique et non juridique. Par conséquent, il n’y a pas de règle fixe quant à la durée exacte du préavis, et cela peut varier en fonction des circonstances spécifiques à chaque cas.

La jurisprudence dominante retient environ un mois de préavis par année de relation commerciale, mais le préavis dépend en réalité du cas de figure, de la nature de la relation, de l’état de dépendance économique de l’entreprise évincée, de l’importance des relations, etc.

Néanmoins, selon l’article L. 442-1 II du Code de commerce, « en cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois. » Cela signifie que, dans la plupart des cas, un préavis qui aurait été appliqué d’au moins dix-huit mois est considéré comme suffisant en vertu de cette disposition.

Il est constant que l’octroi d’un préavis suppose le maintien de la relation commerciale aux conditions antérieures. Le délai de préavis doit en effet permettre à la partie victime de la rupture de prendre ses dispositions et d’avoir le temps nécessaire pour remédier à la réorganisation résultant de la rupture.

Il est constant que l’auteur de la rupture ne peut se dispenser de préavis que lorsqu’il démontre l’existence de manquements d’une gravité telle qu’ils justifient la résiliation unilatérale et immédiate du contrat. En particulier, la seule insuffisance de résultats, à la supposer établie, ne caractérise pas un manquement grave justifiant une rupture sans préavis. Cette exigence garantit que le préavis ne peut être ignoré que dans des circonstances exceptionnelles.

Quels dommages-intérêts peut-on obtenir en matière de rupture brutale des relations commerciales établies ?

La rupture fautive du contrat ouvre au cocontractant victime un droit à réparation du préjudice qui en résulte pour lui. Le préjudice résultant du caractère brutal de la rupture doit être évalué en considération de la marge brute escomptée durant la période de préavis qui n’a pas été exécutée. Cette indemnité a pour objectif de compenser le manque à gagner subi par la victime pendant le préavis qui aurait dû être respecté avant la rupture des relations contractuelles.

Il est constant également que les circonstances fautives de la rupture justifient la réparation du préjudice moral subi par la victime de la rupture des relations commerciales, sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, indépendamment de la responsabilité encourue sur le fondement de l’article L. 442-1 II du Code de commerce. La cour de cassation considère classiquement qu’ « un préjudice moral peut s’inférer du caractère brutal de la rupture d’une relation commerciale établie ».

Le préjudice moral de la victime peut ainsi résulter de l’attitude vexatoire et déloyale entourant les circonstances de la rupture, et notamment de la soudaine animosité et défiance manifestée par l’auteur de la rupture, l’absence de mise en demeure ou d’information préalable à la rupture, ou encore de pressions exercées à son encontre rendant impossible la poursuite des relations dans des conditions sereines et propices à l’exécution des missions pendant la durée du préavis.

Un avocat peut jouer un rôle essentiel dans la recherche d’une solution amiable à votre différend avec votre partenaire commercial. Il peut vous accompagner et vous conseiller dans le cadre de négociations, rédaction de courriers ou accords transactionnels, et vous représenter lors de discussions de médiation. Si une solution amiable n’est pas possible ou n’est pas dans votre intérêt, votre avocat peut vous représenter dans le cadre d’une action judiciaire devant les juridictions compétentes.

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